Comment habiter le monde autrement? Peut-être en changeant notre rapport au temps, en considérant qu'il est le temps des jeunes pousses, de la récolte du miel, qu'il est tantôt l'heure des hirondelles et tantôt celle des chauves-souris. Ou en changeant notre rapport au territoire, en arrêtant de penser que les oiseaux sont pris dans des rapports de compétition pour avoir accès au meilleur terrain, en arrêtant de croire que nos lectures des comportements animaux sont plus "vraies" chaque fois qu'elles sont plus brutales. Comment? Sûrement en arrêtant de faire sécession avec dix millions d'autres espèces que nous avons paresseusement nommées "Nature". Cette soirée est l'occasion de suivre, à travers les voix et la harpe, des récits d'espèces compagnes et de prêter attention à la diversité du vivant.
«Le plus curieux chez les aoûtats, du point de vue des humains, c'est notre propre réaction à leur égard. Quand un aoûtat commence à se nourrir aux dépens de notre corps, celui-ci réagit à outrance en déclenchant tout un bataillon de sonnettes d'alarme, allergie provoquant des démangeaisons que nous grattons furieusement. Cette réaction ne sert à rien, ni pour nous ni pour les aoûtats. Ceux d'entre nous qui ont la chance d'avoir acquis une certaine accoutumance aux aoûtats leur servent calmement d'hôtes et ne se grattent pas. Et l'aoûtat n'a aucun avantage non plus à provoquer cette allergie: nous nous grattons avant qu'il soit repu et, ce faisant, nous le tuons en général.
Réfléchissant à cette curiosité, Gerald William Krantz, éminent acarologue, déclare: «…le violent besoin de se gratter manifesté par l'homme… reflète un manque d'adaptation au rôle d'hôte». En d'autres termes, tout cela est une Terrible Erreur.
C'est l'un des puzzles biologiques que je trouve réconfortants – embrouillés, non résolus, venant nous rappeler que les résultats ne sont pas encore tous trouvés, que nous ne possédons pas encore les formes définitives, toutes les réponses. Nous sommes encore en voie d'évolution, les aoûtats, les humains et tout le reste.»
Sue Hubbell, Une année à la campagne
Textes: Sue Hubbell, Vinciane Despret, Baptiste Morizot
Montage des textes: Alice Zeniter et Aurélien Gabriel Cohen
Musicienne: Laure Brisa
Comédienne: Marie-Sophie Ferdane
Production: La Comédie de Valence, Centre dramatique national Drôme-Ardèche